J'espère que le Congrès pourra ouvrir l'énorme champ de ce qui'y a à partir de l'inexistence du rapport sexuel. Parce qu'il n'y a pas de rapport sexuel, il y a l'amour, et l'art, et la littérature, et les quatre discours. Et la psychanalyse ! L’humanité elle-même. C’est la fonction « civilisatrice » du rapport qui n’existe pas.
Le rapport entre un homme et une femme se construit sur le fondement du rapport sexuel qu'il n'y a pas, et il se soutient du sinthome. Lacan l'articule ainsi dans le Séminaire XXIII :
« En effet, si le non-rapport relève de l'équivalence, c'est dans la mesure où il n'y a pas équivalence que se structure le rapport. Il y a donc à la fois rapport sexuel et il n'y a pas rapport. Là où il y a rapport, c'est dans la mesure où il y a sinthome, c'est-à-dire où l'autre sexe est supporté du sinthome. [1] »
Pourrait-on considérer dès lors qu'il y a rapport lorsque les versions de l'exil du rapport sexuel propre à chacun des partenaires entrent en résonance ?
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le Sinthome, Paris, Seuil, 2005, p. 101.
Il ne s'agit évidemment pas d'un meurtre qui envoie en Cour d'Assises. En effet, ces détours sanglants ne sont à prendre, hormis les cas de passage à l'acte psychotique, que comme l'imaginarisation de la structure propre au fantasme. Mutiler un homme [sur l'autre scène] jusqu'à ce que mort s'ensuive, peut n'être ainsi qu'une façon pour une femme de signifier que tel homme est le sien. Le fantasme de tuer l'homme mériterait alors d'être élevé à la dignité d'Un enfant est battu. J.-A. Miller précisait d'ailleurs lors du « Parlement de Montpellier » que le corps de l'homme – du moins certaines parties – relevait pour de nombreuses femmes d'une appartenance inconsciente au corps féminin [1].
[1] Miller J.-A. & al., « Facettes de la dernière clinique de Lacan. Autour du Séminaire XXIII », inédit.
Dans le Séminaire XXIII, Lacan affirme que « le symptôme central […] est […] fait de la carence propre au rapport sexuel » [1]. Il propose aussi que cette carence prenne une forme et il ne s'agit pas de « n'importe laquelle » [2]. En effet, quelle est la forme qui apparaît comme effet de l'inexistence du rapport sexuel ? S'il ne s'agit pas d'une forme quelconque, c'est parce qu'elle ne se confond pas avec le signifiant, car le réel, il se dépose d'être exclu du sens [3]. Cette forme que le non-rapport sexuel acquiert et qui se présente comme un style qui domine le lien amoureux, peut-elle être appréhendée comme le rapport sexuel qui existe ?
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le Sinthome, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2005, p. 70.
[2] Ibid.
[3] Cf. ibid., p. 65.
Le sens qu'on découvre en analyse est sexuel et remplace le sexuel qui manque
Le non-rapport interprète le dire de Freud sur la sexualitéIl faut noter que Freud lui-même ne pousse pas ledit inconscient sur la sexualité jusqu'à ses ultimes conséquences, car il le considère en tant que produisant du sens. Pour Lacan, en revanche, l'inconscient n'est pas du tout ce qui fait sens, l'inconscient ne fait que chiffrer la jouissance pulsionnelle. Le travail de chiffrage est la marque de l'inconscient, « car nulle part, sous aucun signe, le sexe ne s'inscrit d'un rapport [1] ». Si ce n'est pas l'inconscient qui produit du sens, s'il ne fait que chiffrer, la pratique analytique n'a pas à donner du sens à ce qui peut être déchiffré dans les formations de l'inconscient.
[1] Lacan J, « Introduction à l'édition allemande d'un premier volume des Écrits », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 553.
L'aphorisme de Lacan va faire des vagues parce qu'il fait trou. Science et capitalisme ne cessent de produire des rapports par la grâce des lois du langage : S1-S2 en est la racine élémentaire. Le il n'y a pas de rapport (…) est une voix basse sur fond de : tout est rapport (…). Or quand on lit L'interprétation des rêves, que constate-t-on ? Que Freud est moins intéressé par les rapports que par la substitution, le déplacement, la condensation, la découpe de la matière signifiante (…). Il y a là une piste : au rapport et au lien s'opposent : la substitution – peut-être ce que Lacan nomme suppléance trouve ici son fondement –, mais aussi la coupure.